En effet, comme l'écrit très justement Michel Kervarec : "le monde rural s'est exprimé en baptisant les terres de noms difficiles à décrypter car relevant de l'ancien français, avec des variantes dialectales de l'Ouest, noms altérés très souvent du fait des siècles et de la disparition des mots dont ils sont composés".
Les raisons exactes de la dénomination ont très souvent été effacées au fil des siècles par changement d'exploitants ou de propriétaires, par modification du paysage, par évolution des activités économiques.
La toponymie fait essentiellement référence :
Plusieurs périodes historiques se succèdent, marquées par le passage ou l'installation de peuples différents. Les dénominations se multiplient, évoluent, certaines disparaissent remplacées par d'autres. Toutes sont liées à un moment précis, à une situation géographique, économique, humaine, ayant frappé les esprits. Les sens nous échappent souvent aujourd'hui en raison du manque d'informations.
Après les Gaulois et la civilisation celtique, s'impose Rome qui avec César s'autorise la conquête et le latin domine, s'installe. Ensuite arrivent les "barbares" ; certains passent (Visigoths, Saxons, Vikings...), d'autres se fixent : les Francs et la langue germanique sème ses mots.
Puis la lente marée chrétienne peu à peu s'étale ; dans la région œuvrent plus particulièrement Saint Martin de Vertou et Saint Philbert ; trois grandes abbayes participent au bouleversement des mentalités et des paysages : Vertou, Geneston, Villeneuve. Des toponymes sombrent, de nouveaux émergent et se pérennisent.
Le territoire se structure : ducs, comtes et abbés s'efforcent de contrôler terres et populations, sources incontournables d'une puissance économique indispensable à l'établissement durable d'un pouvoir politique : "Pas de terre sans seigneur, pas de seigneur sans terre", telle est la logique de l'époque.
C'est pourquoi au XIIe puis au XIIIe siècle, les seigneuries devenues héréditaires, les ordres religieux devenus concurrents, poussent les paysans à défricher forêts et terres incultes afin d'augmenter la production agricole. Les circonstances sont de plus encourageantes puisque le climat plus doux favorise l'entreprise et que les perfectionnements des techniques agricoles entraînent un accroissement des rendements. Cela correspond, cause ou effet, à une forte poussée démographique qui impose la mise en valeur de nouvelles terres. Nous retrouvons fort logiquement dans la toponymie la mémoire de ces nombreux déboisements et défrichements ainsi que l'identité de certaines familles ayant participé à cette conquête de terres.
A ce sujet, Baylon et Fabre rappellent que : "les formations dérivées pour désigner des noms de domaines n'apparaissent que vers la fin du Moyen Age ; on utilise généralement le suffixe féminin -ière (du latinaria) ajouté au nom du possesseur... A ces formations, il faut ajouter celles qui font appel au suffixe -erie, au suffixe -ie, sans oublier le suffixe -aie (du latin -eta). Les formations en -ière et -erie datent des XIe et XIIe siècles, celles en -aie des XIIIe et XIVe siècles".
En ce qui concerne Le Bignon, il est évident que l'existence puis l'exploitation de la châtellenie ducale de Touffou et au-delà de la forêt dans sa vaste étendue a donné naissance à une toponymie révélatrice.
Précisons qu'un individu pouvait donner son nom à un lieu mais que l'inverse était aussi fréquent. Duval, Dupont, Dubois étaient ceux qui résidaient dans le val, près du pont ou à proximité du bois. Forestier tenait son nom de son activité comme Monier (meunier). Nous verrons ce cas avec Buisson : qui a donné son nom à quoi ou quoi a donné son nom à qui ? Qui a dit que c'était simple ?
Terminons cette présentation générale en rappelant que les noms de famille apparaissent officiellement avec l'ordonnance royale de Villers-Cotterêts promulguée en 1539 par François Ier qui rend obligatoire la tenue des registres d'état-civil par les curés et impose le maintien des surnoms ou sobriquets en usage à cette date. Ces derniers permettaient de différencier les nombreux Jean, François, Louis ou Pierre d'une même paroisse et d'une même famille. Jacques le Blond l'était alors mais il a eu des descendants à la chevelure noire, quant à Michel le Breton si ses petits-enfants sont partis s'installer à Rennes, l'originalité n'a plus été au rendez-vous !
Dérivation : formation d'un mot nouveau à partir d'un mot ancien
Métaplasme : changement d'un mot par ajout ou suppression d'une lettre ou d'une syllabe
Patronyme : nom de famille
Suffixe : élément placé à la fin d'un mot pour en modifier le sens
Touffou : en vieux français, fou désignait un hêtre, tot équivalait à tout, et le verbe tout est une forme ancienne de taire ou cacher. Deux significations sont possibles : la forêt toute en hêtres ou le hêtre du silence, où il se cache qui serait l'arbre d'un ermite.
Le Lognon : d'aulne, arbre fréquent au bord des cours d'eau.
La Doité : de doit ou duit signifiant canal, ruisseau.
Les Bauches : vient de boscus : petit bois. Elles étaient considérées comme de mauvaises terres car trop glaiseuses.
Tournebride : relais pour les chevaux.
> Allerons | > Chasse |
> Grandes Landes |
> Musse |
> Moulin des Alouettes | > Chez Doizé |
> Grellerie |
> Noë ou Noue |
> Arbalètrerie | > Chez Marc |
> Gros Cailloux |
> Papinière |
> Augeoire |
> Citadelle |
> Guénégaud |
> Perrotière |
> Aurière |
> Civerda |
> Haies |
> Pérou |
> Barrières |
> Cormier |
> Hautes Vignes |
> Pin |
> Baudouinière |
> Couillaudais |
> Hauture |
> Plaisance |
> Beauséjour |
> Cras |
> Hommeau |
> Pont Buchet |
> Boule d'Or |
> Creux |
> Janière |
> Pont Neuf |
> Bouteilles |
> Croix |
> Jarrie |
> Poterie |
> Boutinerie |
> Encruère |
> Landais |
> Pubé |
> Breil |
> Epinais |
> Landjard |
> Pué |
> Breuré |
> Epinay | > Landreau | > Rivière |
> Brosse |
> Essart Moreau |
> Loirière |
> Rousselière |
> Buisson |
> Essart Rocher |
> Maison Rouge |
> Saulzes |
> Buissonnets |
> Fontenelles |
> Masure |
> Sensive |
> Champcartier |
> Forestière |
> Métairie Neuve |
> Trois Hermines |
> Champsetier |
> Fosse Noire |
> Monnerie |
> Vingt-six Journaux |
> Chantemerle |
> Gare |
> Moricière |
> Violette |
Désignent les ailes de moulins par ressemblance avec les extrémités des ailes d'un oiseau, aileron (au XIIe siècle s'écrit aleron).
Il est écrit l'Herbalestrerie dans un acte de 1756. D'après le dictionnaire de l'ancien français, un balestrier est un arbalétrier, herbec ou harbec signifie logement, enfin aire ou erre correspond à un emplacement non cultivé.
L'Arbalètrerie aurait donc été un lieu où se trouvait le logement ou l'espace d'entraînement des arbalétriers au service du seigneur.
On peut également penser au mot herbant ou harban correspondant au service féodal dû au seigneur et dans le cas présent celui de s'entraîner à l'arbalète ; herbant et balestrie associés auraient donné par métaplasme (suppression d'une syllabe) herbalestrie.
Enfin une arbalestrière était une meurtrière généralement en forme de croix et ce nom pouvait désigner une construction avec des meurtrières et par extension une fabrique d'arbalètes ou de carreaux d'arbalètes.
vient du latin alveus : cavité en forme d'auge.
Orière parfois faussement orthographié aurière, disait le Littré ; terme rural désignant le bord des champs entourés de haies et de fossés. Son origine peut également venir de la présence d'une famille Laure ou Lorre.
S'applique à un lieu marqué par des clôtures.
Rappelle la présence de la famille Baudoin.
Endroit agréable où il fait bon s'arrêter, habiter, séjourner. Peut-être le témoignage de la présence d'une auberge.
A pour origine l'ancien français boul : le bouleau (gaulois betu, latin betula) ; l'or constitue une allusion à la couleur des arbres à moins qu'il ne perpétue le nom de la famille Dore.
Une légende est attachée au lieu : la duchesse Constance aurait offert aux moines de Geneston ou de Villeneuve (qui avaient fait vœu de pauvreté !) un jeu de quilles en or. Un de ces moines, mû sans aucun doute par une divine volonté, aurait lancé très loin et donc perdu la boule d'or. Il paraît, raconte le vent les soirs de brume, qu'elle est enfouie quelque part en ce lieu.
La bouteille, petite boute est l'ancien nom de l'outre et se rapporte à un tertre ayant cette forme.
Le lieu est d'abord appelé la Bouteille. Il est également possible qu'un des premiers propriétaires ait été bouteiller, c'est-à-dire échanson du duc de Bretagne.
Précisons également qu'une maison de bouteille était le nom appliqué à une petite maison de campagne utilisée en pied-à-terre par exemple par un membre de l'entourage ducal résidant le plus souvent à Nantes.
Etienne Gervier innove le blason des Bouteilles, sans doute pour se démarquer des autres branches de sa famille tout en mettant en valeur son titre de seigneur du Bignon et de la Bouteille.
"Blason de la juridiction du Bignon présenté par M. Etienne Gervier, écuyer, Seigneur du Bignon et de la Bouteille, enregistré au Grand Armoirial de France le 2 août 1697, sous le numéro 222 au bureau de Nantes : De gueule à trois flacons d'or".
Or le blason de la famille Gervier est enregistré sous le numéro 221, au nom d'Etienne : De sable à une fleur de lis d'argent. D'autre part, le blason de René Guillocheau dont il a épousé la fille héritière est : De gueule à trois flammes d'or.
Il s'agit donc d'un changement dans la continuité, les trois flacons prenant la place des trois flammes et rappelant au triple que là; ou désormais, les Bouteilles est la seigneurie juridictionnelle de la paroisse du Bignon. Cette obsession du trois se retrouve chez d'autres seigneurs du Bignon comme avec Grimaud et ses trois fleurs de lys ou Grignon et ses trois roses.
famille Boutin.
Vient de brogilo (celtique) et brogilum (bas latin) : bois ceint de haies ou de murs où étaient élevés des animaux à chasser, ou de brelium, mot latin, désignant un bois de plaisance, voisin d'une habitation.
Au Moyen Age, un breil correspondait à un taillis ou un bois où le gibier pouvait se réfugier et donc se reproduire. Défriché, il était mis en culture et cédait la place à un village.
A pour origine broe : le brouillard qui dérive du verbe broillier signifiant mélanger, salir, et qui donne également brou ou breu : la boue. Il s'agit donc d'un lieu boueux où stagnait le brouillard ou la brume.
L'ancien français broce ou brosse désignait la bruyère et par extension a pris le sens de broussailles ; il s'appliquait à un lieu couvert de taillis, à un bois non débroussaillé où dominaient les genêts. Il peut avoir également pour origine le celtique brous signifiant "lieu plein de buissons".
Endroit où sur une lande proliféraient les buissons, ou lieu habité par un dénommé Buisson dont le nom vient de... la caractéristique du lieu où il réside ! (je vous avais prévenus !)
Lieu où proliféraient les petits buissons. Un homme s'installe ; soit il s'appelle Buisson ou Buissonnet et il a des descendants appelés les Buissonnets, soit il hérite d'un surnom lié à l'endroit où il habite et se retrouve avec le sobriquet de Buissonnet et comme il a des enfants... (tout le monde a compris ?)
Le quartier était une mesure agraire appliquée à la vigne ; la quarte ou quartière était une redevance d'un quart des fruits de la vigne tantôt obligatoire, tantôt contractuelle.
Le setier était une ancienne mesure de capacité utilisée surtout pour les céréales dont l'équivalence variait entre 141 litres (à Nantes) et 197 (à Clisson). Le sestier (du latin sextarium : la sixième partie) était une mesure pour les grains et par assimilation la sesterce était une mesure de terre s'appliquant à un champ pour lequel un setier de semences était nécessaire.
Terre rocailleuse ne pouvant satisfaire que les merles.
A pour origine et par contraction le mot gaulois cassanos : chêne. Il s'agit donc d'une chênaie défrichée pour laisser place à des champs et à un village de cultivateurs. A noter également qu'en vieux français le mot chase (issu du latin casa) désignait une maison.
Orthographié dans un acte de 1756 : Chez Douaisé. En vieux français, dois ou doiz désignait une source ou un cours d'eau : là encore le nom peut également trouver son origine dans la présence d'une famille qui doit peut-être son originalité au lieu habité.
Dérivé du francisque marisk, marc désignait un lieu humide, marécageux. Autre origine possible : un dénommé Marc.
Pouvait caractériser une maison forte, une ferme fortifiée ressemblant à une citadelle, à moins que ce ne fût un poste fortifié en avant du château de Touffou.
Vient de cepa : oignon ou cive donc lieu où étaient cultivés des oignons.
Le cormier est un sorbier domestique dont le bois très dur est utilisé pour fabriquer des manches d'outils.
Famille Couillaud.
Du celte crapp signifiant rocher.
Devinez !
Devinez !
Un relief en creux.
Du latin spina : épine par extension buisson épineux, aubépine, prunellier dit "épine noire".
Essart, du latin essartum, signifie défrichement et désigne un lieu défriché où l'on a abattu les arbres, détruit les ronces... A ce terme est associé le nom de la famille qui a procédé à la valorisation de l'espace.
Une Fontenelle est une petite source.
Famille Forest ou située dans la forêt ou près de la forêt.
On cherche !
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Facile !
Trois significations sont envisageables. La première prend en compte le mot grolle désignant une corneille ou un choucas ; la Grellerie aurait été perçue comme le territoire des corneilles.
La seconde privilégie le verbe groller signifiant brûler ; le lieu aurait donc subi l'écobuage ou le brûlis.
La troisième met en scène une famille Grelier ou Grellier.
Garderaient la mémoire de pierres rituelles préhistoriques ou celtiques ou plus simplement d'une carrière de pierres.
Il est possible que le village ait conservé le nom du premier propriétaire connu. Guénégaud viendrait du germanique Wangaut ou du gothique Wanegaud. Wan signifie espérance, gaud est traduisible par : du peuple gothique. Je rappelle que la contrée a été temporairement wisigothique.
À vous de trouver !
Besoin d'aide ?
Petite avancée de côteau.
Vient du latin ulmus (orme) et ulmetum : lieu planté d'ormes, traduit en ancien français par olme. Dans le Centre et l'Ouest, orme se prononçait en escamotant le l ou le r, ce qui donnait ome. L'Hommeau correspond au défrichement d'une ormeraie.
Famille Janneau.
Lieu planté de jarris, houx, chêne vert et par extension terre inculte.
De lande, donc espace non cultivé ou un homme habitant sur la lande.
Association de lande et jard, jard étant la forme ancienne de jardin.
Petit espace non cultivé ou nom d'un homme, en germain landrald, en latino-germain Androwald, qui par déformation donne l'André, l'Andrault, Landreau, Le Landreau.
Famille Loir ou Loiret
Du latin mansio signifiant gîte d'étape, relais. A cet endroit pouvait exister une auberge aux murs peints en rouge pour signaler sa spécificité.
Soit du latin mansura, une petite maison, en mauvais état ; soit nom de l'enclos ou verger ou herbage planté d'arbres fruitiers dans lequel sont situés les bâtiments de la ferme ; soit association de paysans apparentés, reconnue par la coutume, avec mise en commun du travail et de tous les biens meubles (argent, cheptel, outillage, ustensiles domestiques) pour l'exploitation généralement d'une métairie importante dont ces paysans ne sont pas propriétaires.
Nouvelle métairie née d'un défrichement ou d'un déboisement.
En vieux français : mouture, droit sur la mouture ; indiquerait l'emplacement d'un moulin ou, et la présence de la famille Monnier ou le Monnier nom qui est une forme dialectique de... meunier !
Famille Moriceau.
Existence d'un vieux mur entourant peut-être une cour de ferme.
Endroit humide.
Famille Papin.
De péron, dérivé du mot pierre.
Famille Perrot ou lieu planté de poiriers (du latin pirius).
Cherchez l'arbre !
Lieu agréable ou rappel de la ville italienne de Plaisance.
Buchet vient du saxon et signifiait bois.
Le nouveau pont.
FFamille Potier, nom lié à la nature du lieu caractérisé par une terre argileuse propice à la fabrication de pots et donc à l'établissement d'un village de potiers.
Poilu, moussu ; soit vision d'un sol ayant cet aspect, soit présence d'une pierre rituelle couverte de mousse.
Grande pointe, dent de peigne d'un tisserand ; privilégierait la forme du relief. Adverbe du vieux français : puer qui signifie dehors, en avant ; la maison puis le village auraient été en dehors, en avant du bourg ou du moulin du Champsetier.
Lieu malodorant si l'on choisit le mot puée équivalent en vieux français à puanteur.
Cherchez le cours d'eau !
Famille Roux, Rousse ou Roussel. Espace où poussent des roseaux appelés des roux et formant une rousselière (germanique raus et suffixe latin aria) ; le lieu a pu donner son nom à l'habitant.
Du gaulois salico : saule.
Devrait être écrit Censive ; endroit, terre ou maison, soumis à un impôt sur le fermage : le cens.
Ermine ou Hermine peut désigner
- un terme de blason figurant dans celui des ducs de Bretagne (latin armeuses),
- une mesure de capacité de grains,
- un ermite (grec puis latin eremita),
- une terre inculte et désertée (latin eremium).
Donc plusieurs interprétations sont envisageables et peuvent même s'enchevêtrer. La première est dans le cadre de la forêt de Touffou, l'installation ou les passages successifs de trois religieux en quête de solitude.
La seconde est l'application d'un sobriquet à de nouveaux venus. Deux origines sont possibles ; l'auberge des Trois Hermines citée en 1753, tenue par des gens venus de Bretagne à moins que l'auberge ait pris un nom déjà existant.
L'installation d'une famille de meuniers, les Bretagne. Il existe peut-être un lien entre Bretagne et Hermine. La troisième interprétation s'appuie sur l'activité économique en privilégiant la mesure de capacité de grains, des moulins ayant existé à cet endroit.
Un journal correspondait à une surface labourable par un homme en un jour.
Famille Viole ou endroit très... fleuri ! ou petite maison (du latin villa).
Si vous avez des pistes, des hypothèses, n'hésitez pas à nous les communiquer.
Recherches de Yann DOUCET